Une docufiction sur le suicide, « I have a million reasons », mise en scène par Andrés Cifuentes, également comédien dans ce spectacle. Nous l’avons interviewé sur cette œuvre théâtrale. Une ode à la vie. 

Une docufiction sur le suicide, « I have a million reasons », mise en scène par Andrés Cifuentes, également comédien dans ce spectacle. Nous l’avons interviewé sur cette œuvre théâtrale. Une ode à la vie. 

Quand Jean-Marc Priels, psychologue clinicien et facilitateur du groupe de parole du Funambule à Jette, m’a parlé de ce spectacle, j’ai été profondément émue par la thématique. En effet, selon des statistiques de la Haute Autorité de Santé (France), une personne bipolaire sur deux fait au moins une tentative de suicide au cours de sa vie et 15% mettent fin à leurs jours. Au Funambule, nous ne sommes pas des professionnels mais nous connaissons bien cette problématique, abordée lors de groupes de parole ou à l’écoute téléphonique. 

Il me tenait donc à cœur d’échanger avec Andrés Cifuentes, qui a immédiatement accepté ma proposition d’interview. 

Ce metteur en scène de 37 ans, né au Chili, affiche un parcours artistique déjà bien étoffé. Il suit des formations, notamment à l’Institut Belge de Gestalt Thérapie (IBG) et a obtenu un master en arts du spectacle vivant (ULB). Entre autres diplômes, il a également décroché un master en théâtre et arts de la parole au Conservatoire Royal de Mons et l’agrégation pour cette discipline. 

Andrés m’explique le processus de création de la docufiction « I have a million reasons » et ses propos me touchent beaucoup : « Après le suicide de mon frère, j’ai décidé de faire une recherche documentaire pour essayer de comprendre son acte. Après cette étape, j’ai ressenti le besoin, en tant qu’artiste, de transposer ce matériel sensible et brut dans une création théâtrale qui mêle fiction et documentaire, de sublimer une question personnelle. De 2016 à 2022, avec mon équipe, nous avons recueilli des témoignages, dans les trois régions du pays, de personnes ayant tenté de mettre fin à leurs jours, de proches de personnes qui s’étaient suicidées, de professionnels de la santé mentale et du Centre de prévention du suicide ». 

Le metteur en scène, également comédien dans « I have a million reasons », aux côtés de deux autres artistes, nous explique « l’importance de sortir du tabou, de débattre du suicide et de contribuer à faire de la prévention ». 

Andrés accompagne en effet les représentations de rencontres avec le public, à l’issue du spectacle. Pour ces « bords de scène », il a convié Jean-Marc Priels, à propos duquel il se montre très élogieux et reconnaissant : « C’est un expert dans cette matière, il fait preuve d’une totale bienveillance, c’est un véritable plaisir de collaborer avec lui ». 

A la question de savoir si ce projet culturel, à grande valeur humaine et sociétale, a été thérapeutique dans la gestion de son deuil personnel, le metteur en scène répond par l’affirmative. 

Et il clôture par ces mots qui résonneront certainement dans la tête et le cœur de nos pairs et leurs proches, de toutes les personnes fragiles et hypersensibles : « La vie vaut la peine d’être vécue, elle est porteuse d’espoir ».  

Andrés Cifuentes, c’est la résilience sur scène et en coulisses. 

Article rédigé par Franca Rossi 

Informations pratiques 

« I have a million reasons » au Théâtre des Riches-Claires, 24 rue des Riches-Claires à 1000 Bruxelles. A partir de 16 ans. Durée 70 minutes. 

Les mercredis 8 et 15 février, à 19h/les 9, 10, 13, 16 et 17 février à 20h30 

Jean-Marc Priels sera avec l’équipe de création, à l’issue du spectacle, les jeudi 9, vendredi 10, mercredi 15 et vendredi 17 février 

Informations et réservations :  

Entretien avec Caroline Ducenne de Yuugi

Entretien avec Caroline Ducenne de Yuugi

Pouvez-vous présenter « Yuugi » ?

 

Yuugi est un service de correspondance un peu comme avant, quand nous avions des correspondants en secondaire. Yuugi, c’est un peu cela mais en version “rassurante” avec un service humain derrière que les gens peuvent contacter. 

C’est un service de correspondance qui permet de faire de nouvelles rencontres, de nouvelles connaissances en toute amitié. Yuugi veut justement dire “lien d’amitié” en japonais. 

Par le biais du courrier, du mail ou du téléphone. On a souhaité réintroduire le courrier postal parce que cela permet aux personnes de faire le choix du rythme de l’échange et de la forme de l’échange. Le courrier postal donne une tout autre dimension à l’échange.

 

 Quelle est l’histoire derrière Yuugi ? 

 

Nous sommes 3 anciennes collègues qui ont travaillé des années ensemble à l’asbl aidants proches. Nous avons fait le constat de l’isolement et la solitude sur les aidants proches mais aussi de l’entourage de personnes atteintes de maladie ou de handicap et des conséquences d’aggravation que cela pouvait avoir. On a eu envie de créer quelque chose ensemble et c’est ce point commun qui nous a réunies. 

Comme nous avions un travail le jour, un service de correspondance comme Yuugi était possible à créer pendant nos moments creux. Il y a deux ans et demi, après avoir fait le tour de certains projets qui se développaient en termes de lien social, on s’est rendu compte qu’il y avait de nombreux services de proximité qui proposaient des rencontres et beaucoup d’activités. Mais il y avait encore beaucoup de publics qui ne participaient à rien. A partir de ce moment-là, on s’est dit que la correspondance pouvait être un maillon supplémentaire qui permettrait aux personnes les plus en manque de lien social de faire un pas à distance pour reprendre, petit à petit, l’habitude de créer du lien social. 

 

 

Est-ce que Yuugi est destiné à tous les publics ou seulement les personnes isolées ? 

 

Yuugi est destiné à tous les publics. Au départ, on pensait que ça allait concerner principalement les personnes isolées et les ainés. Finalement, on a toutes les tranches d’âge qui souhaitent s’inscrire pour faire connaissance avec des personnes de leur génération ou pas. C’est aujourd’hui un projet tout à fait intergénérationnel, transgénérationnel et intragénérationnel qui est le plus inclusif possible. Nous voulons vraiment qu’au fil du temps, Yuugi soit accessible au plus grand nombre et permettre de viser la mixité des publics dans la création de mise en relation.  

 

En quoi Yuugi favorise le rapprochement des personnes isolées ? 

 

En fait, les personnes qui s’inscrivent à Yuugi nous donnent quelques informations sur elles. Ce sont des informations assez basiques comme par exemple : “Etes-vous un homme ou une femme ?”, “Quel est votre âge ?”, “Souhaitez-vous faire connaissance avec un homme ou une femme ?”, “Qui habite près de chez vous ou peu importe ?”, “De votre génération ?”, “Quels sont vos centres d’intérêts ?”. Sur base de ces informations, on fait une recherche dans notre base de données et on voit qui on pourrait proposer de mettre en relation. On communique aux personnes le nom de quelqu’un avec qui prendre contact et l’aventure commence entre ces deux personnes. 

Nous sommes partenaires de la relation dans le sens où si l’un ou l’autre correspondant rencontrait un problème, ils peuvent nous joindre lors d’une permanence téléphonique accessible 3 jours par semaine. 

Nous avons pas mal de belles histoires d’amitiés qui se sont créées grâce aux correspondances. Des personnes qui ont commencé par s’écrire et qui ont fini par se voir et partager des moments ensembles. 

 

Comment s’inscrire à Yuugi ? 

 

Il y a plusieurs façons de s’inscrire. On se rend bien compte que le site internet n’est pas accessible à tous. Via le site, il y a moyen de s’inscrire seul de A à Z avec une démarche sécurisante et rassurante.

Les personnes peuvent aussi faire ça de façon numérique via un échange au départ du site et puis une fois qu’elles ont signé la clause de consentement, elles remplissent un petit profil dont j’ai déjà parlé avant qui nous permettra de faire la mise en relation.

Une autre façon de le faire est de manifester son intérêt de vouloir s’inscrire via le site aussi mais en demandant d’être contacté. A ce moment-là, on prendra contact avec les personnes par téléphone et faire l’inscription avec elles.

La dernière solution est de couper le petit talon réponse présent sur le flyer et nous l’envoyer par la poste. Nous prenons ensuite contact avec la personne par téléphone. On leur explique et on répond à leurs questions. Si elles souhaitent s’inscrire, on leur envoie des documents à lire et signer par la poste. Une fois qu’on les a en retour, on les recontacte par téléphone pour compléter leur profil et les inscrire définitivement. 

On organise aussi un petit suivi pour être sûr que les correspondances aient commencé, on prend des nouvelles de temps en temps, on montre qu’on est toujours disponible.

Plus d’informations sur le site : Yuugi

 

Entretien réalisé par Diego Merandino

Le témoignage d’Arnaud, dont la conjointe souffre de troubles bipolaires

Le témoignage d’Arnaud, dont la conjointe souffre de troubles bipolaires

Les personnes atteintes de troubles bipolaires souffrent beaucoup, lors de leurs phases hautes et lors de leurs phases basses. On le sait sans doute moins, mais leurs proches qui les aiment partagent fortement ces souffrances. Le témoignage d’Arnaud, dont la conjointe souffre de troubles bipolaires.

 

Mariette : Arnaud, vous êtes confronté au quotidien avec la question de la bipolarité. Pouvez-vous décrire votre situation ?

 

Arnaud : Je connais Annick depuis bientôt 30 ans, bien que notre vie amoureuse n’ait débuté qu’il y a presque 3 ans. Au cours de mes études, je m’étais intéressé à la psychiatrie. Lorsque je suis tombé amoureux d’Annick, je pensais être bien informé sur son trouble, ou du moins je savais à quoi m’attendre. Je n’ai pas vécu de crise aigüe d’Annick : même si j’ai été là, notamment, pendant des épisodes très éprouvants pour elle, notre vie commune au quotidien a débuté alors qu’elle était déjà bien engagée dans un processus de rétablissement. Je suis divorcé, j’ai 4 enfants que je partage avec Annick. Ils sont au courant de son trouble et ils savent qu’ils peuvent nous interroger s’ils se posent des questions. Ils savent aussi à quel point il est important qu’Annick puisse s’isoler ou se reposer quand elle en ressent le besoin.

 

Mariette : Comment vous êtes-vous renseigné à ce sujet, et quels enseignements en avez-vous tirés?

 

Arnaud : J’ai surtout fait confiance à Annick pour me parler d’elle-même, de *son* trouble bipolaire, de ses besoins. J’ai la chance qu’Annick ait beaucoup de recul sur la maladie, ce qui lui permet entre-autres de me donner le « mode d’emploi d’Annick ». Quand j’en ai réellement besoin, même lorsque c’est très difficile pour elle, elle parvient à m’expliquer ce que j’ai du mal à comprendre. Je participe aussi régulièrement aux groupes de parole du Funambule, où je découvre d’autres facettes du trouble bipolaire. J’ai le sentiment qu’Annick et moi avançons ensemble dans la découverte de la maladie – même si Annick a beaucoup d’avance sur moi : elle ne m’a pas attendu pour apprendre à se gérer (rires). J’ai aussi lu quelques articles sur Internet et quelques livres. Vivre aux côtés d’Annick m’apprend aussi beaucoup sur moi, sur mes propres émotions et sur la façon de les vivre, de les gérer et de les exprimer.

 

 

Mariette : Concrètement, comment venez-vous en aide à votre conjointe et éventuellement à votre famille ?

 

Arnaud : Quand elle me présente une difficulté, je lui propose des solutions pour les alléger, mais je ne lui en impose pas. Je me tiens disponible mais je ne m’impose pas. Je ne suis pas là pour sauver Annick, elle seule peut faire cela. Je l’accompagne, je partage les bons moments avec elle, et – naturellement – je m’efforce d’être un soutien (ou de pouvoir l’être) dans les moments plus difficiles. Je ne suis ni un médicament ni une béquille. Bien sûr, l’amour que j’éprouve pour elle me pousse à vouloir la protéger – mais je ne me vois pas investi de la mission de la protéger d’elle-même. Cela, c’est sa propre mission, et même si elle le fait seule depuis des années, j’essaie de lui faciliter la tâche du mieux que je peux. En ce qui concerne mes enfants, et nos proches, chaque fois que je peux, je consulte Annick pour savoir si ce que je pense faire ou dire lui paraît juste, et j’agis avec bienveillance. Je suis convaincu que les enfants peuvent tout comprendre, peuvent s’adapter à tout, pour autant que l’on reste honnête et cohérent avec eux, qu’on leur explique et qu’on réponde à leurs questions. Il n’y a rien de pire pour un enfant que ce qu’on ne lui dit pas.

 

Mariette : Votre mot de la fin ?

 

Arnaud : Aimer quelqu’un qui souffre apporte son lot de souffrances, de frustrations. Annick s’efforce de ne pas projeter sa douleur sur moi, je m’efforce de mettre en perspective ma propre douleur, mes frustrations. Annick parvient souvent à accueillir ma souffrance, je choisis les moments où je pense qu’en parler avec elle sera le plus efficace. La ligne du Funambule m’a aussi apporté beaucoup de soutien lorsque je doutais.

 

Le plus important selon moi c’est d’être disponible l’un pour l’autre, à l’écoute l’un de l’autre, et de s’efforcer d’être dans la bienveillance et dans le respect (de l’autre et aussi de soi-même). Cela n’est pas limité aux personnes qui souffrent du trouble bipolaire …

 

Propos recueillis par Mariette Delcoux

 

 

Témoignage d’une personne non bipolaire sur sa participation au groupe de parole de Saint-Gilles

Témoignage d’une personne non bipolaire sur sa participation au groupe de parole de Saint-Gilles

A travers ce bref témoignage, j’aimerais vous décrire ma première expérience dans un groupe de parole en tant que personne non-bipolaire.  

Le 18 octobre, j’ai pu assister au groupe de parole de Saint-Gilles. En tant que chargé de projet pour le Funambule, je me devais d’assister à un groupe de parole pour comprendre comment cela se déroulait et pour en apprendre davantage sur la vie des personnes atteintes de troubles bipolaires.  

 

Après avoir été chaleureusement accueilli par Philippe, bénévole au Funambule et facilitateur du groupe de parole de Saint-Gilles, nous nous sommes installés dans une pièce à l’ambiance calme et relaxante. Nous étions une petite dizaine. Parmi nous, des personnes atteintes de troubles bipolaires et des proches.  

 

Nous commençons par un tour de présentation et la météo intérieure de chacun. 
Les émotions au début de la séance différaient fortement, certains voyaient un ciel très gris alors que d’autres apercevaient un soleil rayonnant.  
Pour ma part, j’étais très heureux d’être là.  

 

Les premières discussions sont ensuite lancées. Je me suis fait discret, j’écoutais d’une oreille attentive tout ce qu’ils se disaient tout en ressentant énormément d’émotions.  

Plus la séance avance et plus la parole se libère. Les participants rebondissent sur les paroles de chacun, ils partagent leurs expériences, leurs conseils, leurs émotions dans un climat bienveillant. Philippe intervient de temps en temps, ils n’hésitent pas à partager ses précieux conseils en tant que personne stabilisée.  

 

Beaucoup de thématiques sont abordées. Pour respecter la confidentialité et l’anonymat des groupes de parole, je ne pourrai pas en dire plus. Cependant, ce que j’ai observé, c’est qu’il y a une liberté de parole totale et énormément de respect et d’écoute pour l’avis de chaque personne. 

Le temps passe, les langues se délient davantage et les rires font leur apparition. Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est l’évolution de l’humeur des participants. 

 

La fin de la séance approche, je n’ai pas vu le temps passer. 

 

Les dix dernières minutes, Philippe interroge les participants sur ce qu’ils ont ressenti pendant la séance et comment ils se sentent.  
Malgré les problèmes latents, tout le monde est content d’une manière ou d’une autre d’avoir fait l’effort de venir assister à ce groupe de parole. Je ne me rendais pas compte que le simple fait de se déplacer pouvait parfois demander un effort surhumain pour les personnes bipolaires.  
 

Cette séance m’aura appris beaucoup sur la bipolarité et je retiendrai par-dessus tout les grands sourires sur les visages au moment de se dire au revoir. Après l’avoir vécu, je suis convaincu que les groupes de parole peuvent énormément aider les personnes bipolaires et leurs proches.  

Interview de Ludivine Sagnier, marraine du funambule

Interview de Ludivine Sagnier, marraine du funambule

A l’occasion de la sortie en salle du film “la ruche” le 1er juin, Mariette, bénévole et modératrice du groupe de soutien facebook du Funambule a réalisé une interview avec Ludivine Sagnier, actrice et marraine du Funambule. 

Mariette : Le film « La Ruche » de Christophe Hermans est sorti en salles le 1er juin. Vous y tiendrez le rôle principal, celui d’Alice, mère bipolaire. Pouvez-vous nous en parler ?
Ludivine : Je n’ai pas l’impression de tenir le rôle principal. Pour moi, le rôle principal, ce sont les quatre femmes. Ce qui est important dans ce film, c’est évidemment le trouble d’Alice, mais aussi le regard de ses filles par rapport à ce trouble. C’est le cœur du film. D’ailleurs ,ce que j’ai appris avec les groupes de parole auxquels j’ai participé au Funambule, c’est à quel point ces troubles pouvaient être dommageables pour la personne qui les subit mais pour son entourage également. Ces trois filles essaient de gérer leur mère, tant bien, que mal, juste comme elles peuvent.
Mariette : Pour vous familiariser avec le concept de la bipolarité avant le tournage du film, vous vous êtes donc tournée vers le Funambule, et vous êtes entrée en immersion dans nos groupes de parole qui accueillent des personnes bipolaires et des personnes proches de celles-ci. Qu’avez-vous appris d’utile pour vous et pour votre rôle?

Ludivine : Avant cela, j’avais eu une approche un peu plus théorique des troubles bipolaires. J’avais lu des ouvrages scientifiques écrits par des psychiatres, ou par des malades ou encore par des proches. J’ai lu des choses très scientifiques, d’autres très romancées. Quand je suis arrivée au Funambule, j’avais une approche peut-être caricaturale, et en tous cas un peu désincarnée. Ce que j’ai appris dans les groupes de parole ce n’est pas forcément des informations sur les symptômes de la maladie, c’est plus de l’humanité. L’humanité d’Alice et la normalité, qu’il était honnête de décrire dans le film. J’allais chercher quelque chose de singulier et ce que j’ai trouvé c’est quelque chose de simple au contraire, et en fait, c’est la normalité des gens qui souffrent qui m’a touchée le plus, pas leur « marginalité » entre guillemets, parce que ça, c’est une approche un peu cliché qu’on peut avoir sur les gens qui souffrent de troubles bipolaires.

 

Je n’avais pas envie de dresser un portrait trop caricatural de la maladie, alors que toutes les personnes que j’ai vues, qui étaient suivies étaient des gens qui étaient comme moi. Ce que j’ai ressenti c’est des gens qui vivaient dans la peur d’une crise, dans la peur « que ça revienne » . Cela je le sentais même chez des gens qui ne présentaient aucun autre symptôme. J’ai vu aussi des gens qui étaient en montée d’hypomanie, les symptômes étaient plus visibles. Ce qui m’a touchée c’est qu’ils étaient imperceptibles : c’est difficile de discerner cette maladie. Des gens me disaient que dans leur famille, on était complètement dans le déni, qu’on leur disait « Tu es chiant ou un peu déprimé, arrête de t’inventer des trucs. » C’est très difficile de déceler le trouble quand on est hors crise. Vous allez voir, Alice, elle n’est pas non plus en crise tout le temps.
Mariette : Les proches sont en effet très impliqués quand ils fréquentent une personne bipolaire, surtout s’il s’agit de membres de la famille … Et quand il s’agit d’amour…
Ludivine : Ca, ce n’est pas évident. Je pense que Christophe Hermans, le réalisateur de « La Ruche », décrit son film comme un film d’amour, et je pense qu’il a raison parce que c’est un film sur l’amour inconditionnel. Même si les rapports parents/enfants sont inversés, même si Alice, la mère qui est censée être le pilier, la personne rassurante ne l’est pas mais présente un danger, une menace pour l’équilibre des enfants, ses filles font avec.
Souvent on a tendance dans la société à schématiser : le parent défaillant est le bourreau et l’enfant est la victime, et voilà. La réalité est beaucoup plus complexe que ça. Même si on a un parent qui n’est pas parfaitement « efficace » à certains moments, on fait avec. Il y a une espèce de force insoupçonnable qui se dégage de la part de ses enfants, qui soutiennent leur mère coûte que coûte.
Mariette : Votre mot de la fin ?
Ludivine : Je voudrais remercier vraiment toute l’association qui m’a accueillie chaleureusement, qui n’a jamais exprimé aucune agressivité par rapport à ma curiosité. Les gens ont été très généreux avec moi.
Santé mentale : un numéro vert d’entraide et de soutien

Santé mentale : un numéro vert d’entraide et de soutien

La Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale, qui regroupe une quarantaine d’institutions et professionnels, dispose désormais d’un numéro d’appel, gratuit et anonyme. Une très belle initiative dont nous parle Olivier De Gand, coordinateur usagers et proches de la plateforme.

« Nous avons commencé à réfléchir sur ce projet durant le second semestre 2020. On recevait souvent des demandes d’orientation ou d’informations, générales ou juridiques. On a donc constitué un petit groupe pour démarrer ce nouveau service aux personnes. Une dizaine d’usagers et proches d’Interface assurent le rôle de répondants depuis le 1er juillet. Nous avons reçu pour l’instant une trentaine d’appels, principalement des demandes d’informations. Quand les appelants sont en détresse, on réoriente vers d’autres partenaires comme Prévention Suicide, les équipes mobiles, Télé-Accueil…. Ce numéro vert répond à une recommandation faite au niveau fédéral par des usagers et proches pour bénéficier d’un service plus centralisé. Notre initiative vient compléter notre répertoire en santé mentale (www.santementale.brussels), qui permet de s’informer sur l’offre de soins à Bruxelles.

Pour faire connaître le numéro vert, on a utilisé nos canaux de communication (site, newsletter, page Facebook) et on a diffusé des affichettes dans les stations de métro et les mutuelles, notamment. Avec celles-ci, des collaborations sont envisagées, par exemple pour afficher le numéro sur les écrans des salles d’attente. On a aussi diffusé des affiches et des flyers auprès des médecins généralistes et pharmaciens. On cherche des représentants de firmes pharmaceutiques, habitués aux contacts avec les pharmacies, pour qu’ils jouent un rôle de relais. Nous souhaitons collaborer avec les associations partenaires, dans une optique de complémentarité et d’échange de bonnes pratiques. Ce sera le cas avec le Funambule. Nous voulons également renforcer la coordination et la gestion des appels avec une personne qui coordonnera cette ligne téléphonique.

Propos recueillis par Franca Rossi

Affiche