Le témoignage d’Arnaud, dont la conjointe souffre de troubles bipolaires

Le témoignage d’Arnaud, dont la conjointe souffre de troubles bipolaires

Les personnes atteintes de troubles bipolaires souffrent beaucoup, lors de leurs phases hautes et lors de leurs phases basses. On le sait sans doute moins, mais leurs proches qui les aiment partagent fortement ces souffrances. Le témoignage d’Arnaud, dont la conjointe souffre de troubles bipolaires.

 

Mariette : Arnaud, vous êtes confronté au quotidien avec la question de la bipolarité. Pouvez-vous décrire votre situation ?

 

Arnaud : Je connais Annick depuis bientôt 30 ans, bien que notre vie amoureuse n’ait débuté qu’il y a presque 3 ans. Au cours de mes études, je m’étais intéressé à la psychiatrie. Lorsque je suis tombé amoureux d’Annick, je pensais être bien informé sur son trouble, ou du moins je savais à quoi m’attendre. Je n’ai pas vécu de crise aigüe d’Annick : même si j’ai été là, notamment, pendant des épisodes très éprouvants pour elle, notre vie commune au quotidien a débuté alors qu’elle était déjà bien engagée dans un processus de rétablissement. Je suis divorcé, j’ai 4 enfants que je partage avec Annick. Ils sont au courant de son trouble et ils savent qu’ils peuvent nous interroger s’ils se posent des questions. Ils savent aussi à quel point il est important qu’Annick puisse s’isoler ou se reposer quand elle en ressent le besoin.

 

Mariette : Comment vous êtes-vous renseigné à ce sujet, et quels enseignements en avez-vous tirés?

 

Arnaud : J’ai surtout fait confiance à Annick pour me parler d’elle-même, de *son* trouble bipolaire, de ses besoins. J’ai la chance qu’Annick ait beaucoup de recul sur la maladie, ce qui lui permet entre-autres de me donner le « mode d’emploi d’Annick ». Quand j’en ai réellement besoin, même lorsque c’est très difficile pour elle, elle parvient à m’expliquer ce que j’ai du mal à comprendre. Je participe aussi régulièrement aux groupes de parole du Funambule, où je découvre d’autres facettes du trouble bipolaire. J’ai le sentiment qu’Annick et moi avançons ensemble dans la découverte de la maladie – même si Annick a beaucoup d’avance sur moi : elle ne m’a pas attendu pour apprendre à se gérer (rires). J’ai aussi lu quelques articles sur Internet et quelques livres. Vivre aux côtés d’Annick m’apprend aussi beaucoup sur moi, sur mes propres émotions et sur la façon de les vivre, de les gérer et de les exprimer.

 

 

Mariette : Concrètement, comment venez-vous en aide à votre conjointe et éventuellement à votre famille ?

 

Arnaud : Quand elle me présente une difficulté, je lui propose des solutions pour les alléger, mais je ne lui en impose pas. Je me tiens disponible mais je ne m’impose pas. Je ne suis pas là pour sauver Annick, elle seule peut faire cela. Je l’accompagne, je partage les bons moments avec elle, et – naturellement – je m’efforce d’être un soutien (ou de pouvoir l’être) dans les moments plus difficiles. Je ne suis ni un médicament ni une béquille. Bien sûr, l’amour que j’éprouve pour elle me pousse à vouloir la protéger – mais je ne me vois pas investi de la mission de la protéger d’elle-même. Cela, c’est sa propre mission, et même si elle le fait seule depuis des années, j’essaie de lui faciliter la tâche du mieux que je peux. En ce qui concerne mes enfants, et nos proches, chaque fois que je peux, je consulte Annick pour savoir si ce que je pense faire ou dire lui paraît juste, et j’agis avec bienveillance. Je suis convaincu que les enfants peuvent tout comprendre, peuvent s’adapter à tout, pour autant que l’on reste honnête et cohérent avec eux, qu’on leur explique et qu’on réponde à leurs questions. Il n’y a rien de pire pour un enfant que ce qu’on ne lui dit pas.

 

Mariette : Votre mot de la fin ?

 

Arnaud : Aimer quelqu’un qui souffre apporte son lot de souffrances, de frustrations. Annick s’efforce de ne pas projeter sa douleur sur moi, je m’efforce de mettre en perspective ma propre douleur, mes frustrations. Annick parvient souvent à accueillir ma souffrance, je choisis les moments où je pense qu’en parler avec elle sera le plus efficace. La ligne du Funambule m’a aussi apporté beaucoup de soutien lorsque je doutais.

 

Le plus important selon moi c’est d’être disponible l’un pour l’autre, à l’écoute l’un de l’autre, et de s’efforcer d’être dans la bienveillance et dans le respect (de l’autre et aussi de soi-même). Cela n’est pas limité aux personnes qui souffrent du trouble bipolaire …

 

Propos recueillis par Mariette Delcoux