Une association française « Bipolarité stable »

Une association française « Bipolarité stable »

Thierry Grasset a créé une association visant à promouvoir la stabilisation des personnes vivant avec un trouble bipolaire. L’euthymie ou la normothymie, c’est bien, la stabilité à long terme, c’est encore mieux.

Une interview réalisée par Mariette, bénévole au Funambule. 

Mariette : Thierry, vous avez lancé depuis quelques mois une initiative toute personnelle sur la stabilisation au long cours du trouble bipolaire. Je vous invite à vous présenter.

Thierry Grasset : Avec plaisir, Mariette. Je suis Français, j’ai 60 ans cette année, j’ai trois grands enfants et j’ai exercé la profession d’ingénieur en informatique. Diagnostiqué bipolaire type II il y a maintenant 15 ans, je suis stabilisé depuis 9 ans. J’ai fait du bénévolat en association de 2008 à 2021 avec notamment pas mal d’animations de groupes de parole. Je me suis beaucoup documenté sur la bipolarité et j’ai suivi deux cycles de psychoéducation.

 

Mariette : C’est ce qui vous a donné envie de créer l’initiative « Bipolarité Stable » décrite en détail sur votre site https://bipolaritestable.fr/ 

Thierry Grasset : Oui, en grande partie. On ne guérit pas de la bipolarité mais on peut se stabiliser et rester stable. C’est le but de mon initiative, donner une piste pour y arriver.

Mariette : Vous insistez sur le caractère « au long cours » de la stabilité, pourquoi ?
Thierry Grasset : L’euthymie, c’est-à-dire, pour moi, la stabilité temporaire, limitée dans le temps, est atteignable par pas mal de bipolaires. Mais elle ne dure pas et très souvent. Trop souvent, on rebascule en épisodes hauts et bas.
Mariette : On profite de l’euthymie…
Thierry Grasset : Oui, mais il faut aussi en profiter pour travailler sur soi et transformer cette euthymie en une stabilité au long cours. Qui dure.

Mariette : Qui dure depuis 9 ans pour vous.

Thierry Grasset : 9 ans pour moi oui ! Et je ne compte pas m’arrêter là.

Mariette : Et pour cette transformation, que proposez-vous ?

Thierry Grasset : Une méthode.

Mariette : Une méthode ?

Thierry Grasset : Oui, une méthode car je n’ai nulle légitimité pour être prescriptif comme pourrait l’être à juste titre un médecin par exemple. Une méthode abondamment détaillée sur le site de l’initiative et qui s’appuie sur 6 modules et 3 « standards » : le modèle bio-psycho-social comme modèle, la psychoéducation (au long cours) comme boîte à outil et le rétablissement comme processus.

Mariette : Et aussi le rétablissement comme objectif ?

Thierry Grasset : Non. La stabilité au long cours comme objectif et le rétablissement comme processus pour y tendre. Notez que le rétablissement clinique correspond quant à lui à l’euthymie.

Mariette : Vous parlez d’un « changement de paradigme » sur votre site. C’est-à-dire ?

Thierry Grasset : Tout d’abord, pour moi, la stabilité (au long cours) c’est quand les contraintes liées à la bipolarité sont acceptables (par le patient bipolaire).

Mariette : Plutôt modeste…

Thierry Grasset : Oui, modeste mais réaliste. Et pragmatique. D’autre part, on n’est pas toujours dans l’état de se stabiliser et surtout de rester stable. Cela dépend de sa posture vis-à-vis de la bipolarité (déni, acceptation, …) et de l’épisode dans lequel on est. Qui détermine notre cognition (mémoire, raisonnement, jugement, … ) et notre « insight », notre conscience de notre maladie. Sans une cognition opérationnelle, ce qui n’est pas le cas dans les épisodes « bas », et sans un insight élevé, ce qui n’est pas le cas dans les épisodes « hauts », la stabilité au long cours reste utopique. Pour faire simple, il faut être stable (euthymie) pour rester stable. D’où le changement de paradigme : le focus n’est plus sur les épisodes hauts et bas mais sur l’euthymie. Pour en savoir plus, il faut passer un peu de temps sur mon site. On y trouve des vidéos pédagogiques et des textes illustrés. Et bien plus !

Mariette : D’accord, cela donne envie, rappelons le lien du site : https://bipolaritestable.fr .Qu’est-ce qui vous qualifierait le mieux ? Etes-vous Pair aidant ?

Thierry Grasset : Comme tous les bénévoles du Funambule, votre association, je suis bien sûr un « pair » pour les autres bipolaires et mon initiative est censée les aider. Mais je réserve pour ma part ce titre aux pairs aidants professionnels qui font un boulot remarquable et avec beaucoup de courage. Je préfère le qualificatif de « patient ressource » que j’ai trouvé dans le livre du Pr Nicolas FRANCK , « Outils de réhabilitation psychosociale ».

Mariette : Etes-vous bénévole ?

Thierry Grasset : Bénévole, oui. Je n’ai aucun but lucratif.

Mariette : Vous avez donc créé une nouvelle association de bipolaires ? Était-ce vraiment nécessaire ?

Thierry Grasset : Je ne pense pas que c’était nécessaire de créer une nouvelle association de bipolaires et c’est pour cela que Bipolarité Stable n’est pas une nouvelle association regroupant des adhérents bipolaires. Son but principal, comme je l’ai déjà dit, est de promouvoir une méthode de stabilisation au long cours.

Mariette : Une méthode pour qui ?

Thierry Grasset : Pour tous ceux en capacité de se l’approprier et d’en faire des outils et des recettes spécifiques de stabilisation : c’est-à-dire les patients en rétablissement, bien sûr, mais aussi les soignants et surtout les pairs aidants. Leurs outils et leurs recettes. A nuls autres pareils.

Mariette : Surtout les pairs aidants ?

Thierry grasset : Oui, je pense qu’ils sont très bien placés pour utiliser cette méthode avec une grande efficacité et pour le plus grand bénéfice de leurs aidés.

Mariette : Comment concrètement ?

Thierry Grasset : Concrètement … et bien en intégrant par exemple l’approche de stabilité au long cours dans des programmes de psychoéducation. Ou en formant les patients bipolaires à utiliser efficacement le modèle bio-psycho-social.

Mariette : Un beau programme ! Merci Thierry. Pour vous joindre, le mail contact@bipolaritestable.fr 

Thierry Grasset : Merci Mariette et merci au Funambule de m’avoir ouvert ses colonnes.

Interview de Ludivine Sagnier, marraine du funambule

Interview de Ludivine Sagnier, marraine du funambule

A l’occasion de la sortie en salle du film “la ruche” le 1er juin, Mariette, bénévole et modératrice du groupe de soutien facebook du Funambule a réalisé une interview avec Ludivine Sagnier, actrice et marraine du Funambule. 

Mariette : Le film « La Ruche » de Christophe Hermans est sorti en salles le 1er juin. Vous y tiendrez le rôle principal, celui d’Alice, mère bipolaire. Pouvez-vous nous en parler ?
Ludivine : Je n’ai pas l’impression de tenir le rôle principal. Pour moi, le rôle principal, ce sont les quatre femmes. Ce qui est important dans ce film, c’est évidemment le trouble d’Alice, mais aussi le regard de ses filles par rapport à ce trouble. C’est le cœur du film. D’ailleurs ,ce que j’ai appris avec les groupes de parole auxquels j’ai participé au Funambule, c’est à quel point ces troubles pouvaient être dommageables pour la personne qui les subit mais pour son entourage également. Ces trois filles essaient de gérer leur mère, tant bien, que mal, juste comme elles peuvent.
Mariette : Pour vous familiariser avec le concept de la bipolarité avant le tournage du film, vous vous êtes donc tournée vers le Funambule, et vous êtes entrée en immersion dans nos groupes de parole qui accueillent des personnes bipolaires et des personnes proches de celles-ci. Qu’avez-vous appris d’utile pour vous et pour votre rôle?

Ludivine : Avant cela, j’avais eu une approche un peu plus théorique des troubles bipolaires. J’avais lu des ouvrages scientifiques écrits par des psychiatres, ou par des malades ou encore par des proches. J’ai lu des choses très scientifiques, d’autres très romancées. Quand je suis arrivée au Funambule, j’avais une approche peut-être caricaturale, et en tous cas un peu désincarnée. Ce que j’ai appris dans les groupes de parole ce n’est pas forcément des informations sur les symptômes de la maladie, c’est plus de l’humanité. L’humanité d’Alice et la normalité, qu’il était honnête de décrire dans le film. J’allais chercher quelque chose de singulier et ce que j’ai trouvé c’est quelque chose de simple au contraire, et en fait, c’est la normalité des gens qui souffrent qui m’a touchée le plus, pas leur « marginalité » entre guillemets, parce que ça, c’est une approche un peu cliché qu’on peut avoir sur les gens qui souffrent de troubles bipolaires.

 

Je n’avais pas envie de dresser un portrait trop caricatural de la maladie, alors que toutes les personnes que j’ai vues, qui étaient suivies étaient des gens qui étaient comme moi. Ce que j’ai ressenti c’est des gens qui vivaient dans la peur d’une crise, dans la peur « que ça revienne » . Cela je le sentais même chez des gens qui ne présentaient aucun autre symptôme. J’ai vu aussi des gens qui étaient en montée d’hypomanie, les symptômes étaient plus visibles. Ce qui m’a touchée c’est qu’ils étaient imperceptibles : c’est difficile de discerner cette maladie. Des gens me disaient que dans leur famille, on était complètement dans le déni, qu’on leur disait « Tu es chiant ou un peu déprimé, arrête de t’inventer des trucs. » C’est très difficile de déceler le trouble quand on est hors crise. Vous allez voir, Alice, elle n’est pas non plus en crise tout le temps.
Mariette : Les proches sont en effet très impliqués quand ils fréquentent une personne bipolaire, surtout s’il s’agit de membres de la famille … Et quand il s’agit d’amour…
Ludivine : Ca, ce n’est pas évident. Je pense que Christophe Hermans, le réalisateur de « La Ruche », décrit son film comme un film d’amour, et je pense qu’il a raison parce que c’est un film sur l’amour inconditionnel. Même si les rapports parents/enfants sont inversés, même si Alice, la mère qui est censée être le pilier, la personne rassurante ne l’est pas mais présente un danger, une menace pour l’équilibre des enfants, ses filles font avec.
Souvent on a tendance dans la société à schématiser : le parent défaillant est le bourreau et l’enfant est la victime, et voilà. La réalité est beaucoup plus complexe que ça. Même si on a un parent qui n’est pas parfaitement « efficace » à certains moments, on fait avec. Il y a une espèce de force insoupçonnable qui se dégage de la part de ses enfants, qui soutiennent leur mère coûte que coûte.
Mariette : Votre mot de la fin ?
Ludivine : Je voudrais remercier vraiment toute l’association qui m’a accueillie chaleureusement, qui n’a jamais exprimé aucune agressivité par rapport à ma curiosité. Les gens ont été très généreux avec moi.
Grandir à l’ombre d’un parent bipolaire

Grandir à l’ombre d’un parent bipolaire

L’émission « Tendances Première » de la RTBf parle de la bipolarité et l’impact des parents sur leurs enfants. Cette émission est animée par les journalistes Véronique Tyberghien et Cédric Wautier. Les intervenants sont : Dr Gérald Deschietere, chef de l’unité de crise et des urgences psychiatriques aux Cliniques Universitaires Saint-Luc, Christophe Hermans, le réalisateur du film « La Ruche » et Franca Rossi, présidente du Funambule.

L’extrait de l’émission “grandir avec un parent bipolaire” commence à la 31ème minute

De haut en bas

De haut en bas

L’hebdomadaire Le Vif Weekend a consacré un article aux troubles bipolaires et parle du film “La Ruche” de Christophe Hermans. Un article de Kathleen Wuyard avec la participation du docteur David Souery et de Franca Rossi. 

« Lors de phases hautes ou basses, les personnes peuvent être virtuellement hors service, et les proches ne comprennent pas pourquoi cela ne va pas mieux malgré tout leur amour et leur bienveillance ». Dr David Souery 

Un site riche en informations pour les personnes en situation de handicap

Un site riche en informations pour les personnes en situation de handicap

Vous vivez avec un handicap ? Un nouveau site vous propose une mine d’informations sur les aides possibles dont vous pouvez bénéficier. Martine Delchambre, chargée de projets dans l’équipe concertation de la LUSS (Ligue des Usagers des Services de Santé), principalement en charge des thématiques handicap et maladies rares, nous en parle.

« Nous avions mené une enquête, fin 2018, auprès de personnes en situation de handicap. Les résultats de cette étude ont montré qu’elles étaient très peu informées de leurs droits et des aides dont elles pouvaient bénéficier. La réflexion sur la façon de pallier cela a commencé mi-2020, avec l’ASPH, l’Association Socialiste pour la Personne Handicapée. En octobre 2020, nous avons contacté les associations de patients concernées par le handicap et une première réunion s’est tenue mi-décembre avec les associations qui souhaitaient contribuer à ce travail.

 

Il en est ressorti la nécessité d’avoir des dépliants et un site qui traitent des droits financiers et des aides individuelles (adaptation de l’habitation, de la voiture, aide pour les enfants, …). Il existe différentes aides en fonction de l’âge, il fallait donc faire l’inventaire des informations à publier sur le site. L’information n’est évidemment pas exhaustive car la matière est dense. Une chose que les personnes concernées ne réalisent pas, c’est qu’un refus de la Direction Générale pour la Personne Handicapée (DGPH) ne conditionne pas le fait de recevoir une aide auprès de l’AVIQ (Wallonie) ou de Phare (Bruxelles). De plus, des recours existent. Par ailleurs, quand on va se faire évaluer par la DGPH, on peut être accompagné car le stress peut faire qu’on ne dit pas tout ce qu’on devrait exprimer quant à ses difficultés.

 

Ce nouvel outil vise aussi à informer les personnes en situation de handicap sur le fait qu’il existe des personnes pouvant les aider à remplir les documents pour la DGPH, l’AVIQ ou PHARE et pouvant également les informer sur toutes les possibilités d’aide. Ces personnes sont, par exemple, les Handicontacts, les assistants sociaux des mutuelles et des CPAS. On a aussi voulu mettre en valeur les associations de patients, qui peuvent apporter une aide morale, un soutien, de bons conseils ».

http://jaidesdroits.be/

Propos recueillis par Franca Rossi